Elle est partie en ce début de matinée, sans un mot. Vers quel destin impénétrable, ses pas la conduisent-elles ?
Quelle force intérieure ou quelle voix lui imposent de partir d’un pas si décidé en cette tenue ?
Quelle voix ? Sa voix a lui bien sûr, il est le souffle de sa force, il la conduit là où elle doit aller. Ils avaient fait un jeu, la veille au soir, et elle avait perdu. Elle en connaissait les règles. Si elle perdait, elle devrait accomplir le gage qu’il avait choisi pour elle.
Elle ignorait quand. Il lui avait dit qu’elle le saurait le moment venu. Et le moment était arrivé.
Un message avec ces quelques mots.
Ton dos nu noir, tu mettras
De bas noirs, tes jambes, tu gaineras
Tes bottes, tu chausseras.
Docile, mon coursier, tu suivras.
Elle est abasourdie, son cœur bat à tout rompre. Il ne peut lui demander ça. C’est impossible, une erreur sans aucun doute, oui c’est cela, une erreur. Elle s’accroche à cette idée, retourne le papier dans l’espoir de trouver un démenti. Rien. Affolée, elle jette un regard vers l’homme qui stoïquement patientait.
Il ne plaisantait pas. Elle comprit alors qu’elle devait obéir.
Elle ne posa plus de question et alla se préparer conformément à la consigne. Quand elle revint devant l’homme qui l’attendait, elle cachait son sexe avec ses mains, honteuse de se montrer ainsi à un parfait inconnu.
Ce dernier lui tendit alors, une cape noire soyeuse, en lui demandant de la mettre sur ses épaules le temps de se rendre à la voiture stationnée en bas de l’immeuble. Elle la saisit, et d’un mouvement gracieux, elle se couvrit de cette étoffe, libérant ainsi son bas-ventre à l’inconnu qui la regardait d’un œil appréciateur et gourmand.
Il lui ouvrit la porte et la fit passer devant elle. Le tissu léger ne laissait guère de doute à quiconque les croiserait sur sa tenue. Elle était rouge de confusion et avançait d’un pas hésitant.
« Allons ! » Dit l’homme, « Pressons, nous n’avons que trop perdu de temps, Monsieur ne sera pas content. »
Il la fit entrer dans la voiture sous les yeux stupéfaits de deux badauds qui passaient par là leur baguette sous le bras.
Après quelques minutes de route, il prit un chemin de traverse et arrêta a voiture près d’un entrepôt qui semblait désert.
Une voie de chemin de fer passait à proximité. Les wagons de marchandises étaient à l’arrêt. Nul ne semblait travailler. Le calme régnait. Le chauffeur lui ouvrit alors la portière et la fit sortir. Il retira lui-même la cape qui la couvrait. Il ne lui laissa pas le temps d’ouvrir la bouche et lui dit que c’était les ordres. Il lui donna alors une autre enveloppe.
Fébrilement elle la déchira, tant elle appréhendait les mots qu’elle lirait.
Sur le rail, tu marcheras,
Droit devant, tu regarderas,
Fière, tu avanceras
Une clairière, tu verras,
Un nouveau message t’y attendra.
( A suivre )
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